Les effets de la musique sur le cerveau et le corps

 

VRAI ou FAUX ?

 

 

 

 

Article Science&Vie publié le 24 juillet 2022. Signé K.B.

Pourquoi la musique donne-t-elle le frisson ?

Parce que la musique procure des émotions ! Le neurobiologiste Robert Zatorre, de l'université McGill, à Montréal, et son équipe ont scruté le cerveau de volontaires en imagerie cérébrale alors qu'ils écoutaient des musiques provoquant chez eux des frissons. Ils ont mis en évidence l'activation de leur "centre du plaisir et des émotions".

D’autres expériences ont révélé que le plaisir ressenti grâce à la musique provoque une libération de dopamine dans le cerveau. Et ensuite ? En réaction à ce plaisir, le cerveau envoie des messages nerveux qui contractent les petits muscles fixés aux poils, ainsi que les muscles antagonistes qui effectuent alors un mouvement et son contraire : le corps frissonne.

Reste que les spécialistes ne savent pas encore pourquoi la musique, un stimulus a priori non vital, a le pouvoir d’activer ces circuits cérébraux cruciaux. « Normalement, la sécrétion de dopamine et l’activation des circuits neuronaux de la récompense et des émotions sont déclenchées par certains stimuli biologiquement importants pour la survie de notre espèce, comme la nourriture et les stimuli érotiques… », précise Robert Zatorre.

Pour certains chercheurs, la musique ne ferait qu’exploiter des réseaux neuronaux apparus au cours de l’évolution pour d’autres raisons. Le fait qu’elle provoque plaisir et frissons ne serait donc qu’un heureux accident de l’évolution ; et si elle disparaissait demain, le devenir de notre espèce n’en serait pas affecté.

Mais d’autres spécialistes sont convaincus que la musique a occupé lors de l’évolution, et occupe toujours, un rôle biologique important dans la reproduction. Ce rôle aurait notamment pu être majeur avant l’apparition du langage articulé. Le fait que la musique puisse activer les circuits du plaisir, présents chez tous les humains, aide à comprendre pourquoi elle revêt une si grande importance dans toutes les cultures.

 

 

Article Science&Vie publié le 04 juillet 2022. Signé S.G.

La perception de la musique "heureuse" ou "triste" ne serait pas universelle

La musique, est-elle vraiment un langage universel ? L’idée que les accords majeurs et mineurs seraient communément perçus comme des mélodies « heureuses » ou « tristes », est remise en question par une nouvelle étude.

Des chercheurs australiens ont mené une étude afin de tester les perceptions des accords musicaux qui sont perçus comme « heureux » ou « tristes ». Ils ont ainsi réalisé une enquête auprès de communautés isolées de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Leur but est de comparer leur résultat avec une population d’occidentaux vivant en Australie. Le résultat ? L’association des tonalités musicales associée au bonheur ou à la tristesse était nettement moins marquée chez les communautés isolées. L’étude, parue dans la revue PLOS ONE, avance que la perception d’une musique serait liée à un conditionnement culturel. Et non pas une perception universelle !

« Chaque film ou émission de télévision que nous regardons est également souligné d’une bande sonore pour accompagner les scènes émotionnelles. Généralement, les accords majeurs sont utilisés dans les scènes joyeuses et optimistes, tandis que les accords mineurs transmettent généralement un sentiment de malaise et de tristesse. » – Andrew Milne, co-auteur de l’étude et chercheur au MARCS Institute for Brain, Behaviour and Development dans le communiqué.

Percevons-nous tous les accords majeurs comme de la musique heureuse ?

Pour répondre à cette question, quatre différents groupes ont été observés. L’objectif des chercheurs est d’analyser puis de comparer leurs perceptions émotionnelles avec des accords majeur ou mineur.

Une nette différence a été remarquée entre les groupes australiens et les groupes papouasiens. Les individus australiens occidentaux ont indiqué avoir ressenti des émotions joyeuses lorsqu’ils entendaient des accords majeurs. Chez les Papouasiens ayant eu un contact léger avec la musique occidentale, la même tendance a été observée. Mais avec une opposition moins marquée entre les analogies de bonheur et tristesse. Le résultat le plus significatif dans le cadre de cette étude, fut la réponse des individus de la communauté papouasienne isolée. Ceux-ci n’ont pas montré de distinction émotionnelle particulière entre les différents accords.

Selon les auteurs de l’étude, la raison de cette association émotionnelle pourrait être expliquée par des facteurs culturels. Tout au long de notre vie, des manifestations artistiques et culturelles imprègnent notre quotidien. Celles-ci nous feront rattacher certaines mélodies et cadences à des événements de vie. Comme des mariages ou des funérailles par exemple. Ainsi, des analogies émotionnelles se forment au fur et mesure.  « Plus votre degré de familiarité est élevé, plus vous êtes susceptible d’éprouver des réponses émotives » explique Eline Smit, auteur principale et chercheuse au MARCS Institute for Brain, Behaviour and Development.

Le conditionnement de la culture occidentale dont nous sommes immergées au quotidien, serait à l’origine de nos perceptions émotionnelles sur la musique. Néanmoins, les auteurs n’excluent pas que des communautés non-familiarisées avec la musique occidentale puissent également associer les accords majeurs au bonheur et les mineurs à la tristesse.

 

 

Article Science&Vie publié le 28 août 2017. Signé M.-C. M .

 

L'émotion musicale dépend-t-elle de la culture ou bien est-elle absolue, liée aux structures cognitives de tous les humains ? Vaste question...

Lorsque Richard Wagner présenta en 1865 son opéra Tristan et Isolde, les gazettes de l’époque rapportent qu’une spectatrice s’évanouit en entendant le fameux accord de la mineure septième de dominante qui résonne au début du prélude. C’est dire combien la musique peut être un puissant vecteur d’émotions.

Oui, mais tout le monde ne s’est pas évanoui ce jour-là. Pour autant, cet accord demeuré célèbre ne peut laisser quiconque insensible. Suggérerait-il que la musique suscite des émotions universelles, quoique ressenties avec plus ou moins d’intensité ?

Joie, tristesse et peur

Pour le neurophysicien allemand Thomas Fritz, la réponse est oui ! Tout individu, quel qu’il soit, ressent au moins trois émotions de base dans la musique : la joie, la tristesse et la peur. Evident ? Pour des oreilles occidentales, imprégnées de musique occidentale, peut-être.

Mais ces émotions sont-elles également perçues à l’écoute d’autres musiques auxquelles notre oreille n’a pas été habituée ? Inversement, l’accord de Tristan a-t-il le même effet en Asie ou en Afrique, où les codes musicaux sont tout autres ?

Les expériences

C’est pour répondre à cette question que le chercheur a mené, en 2005, une expérience auprès d’une ethnie de montagnards africains, les Mafas : établie à l’extrême nord du Cameroun, une partie de la population, animiste, vit dans des villages isolés du reste du monde et, de ce fait, n’avait jamais entendu la moindre musique occidentale.

Pour son expérience, Thomas Fritz a fait écouter à trente-trois Mafas une quarantaine d’extraits de morceaux occidentaux, de 9 à 15 secondes chacun. Les participants devaient pointer alors l’une des trois photographies représentant chacune un visage exprimant une émotion qu’ils avaient auparavant correctement identifiée : la joie, la tristesse ou la peur.

Le tempo rapide associé à la joie

Résultats : les Mafas catégorisaient bien les extraits joyeux dans plus de 60 % des cas, et les morceaux tristes et effrayants dans environ 50 % des cas. Et pourtant, la musique occidentale possède des règles d’organisation très différentes de la musique africaine : ses gammes sont basées sur sept notes (do, ré, mi, fa, sol, la, si) quand, dans la musique mafa pentatonique, les gammes sont construites sur cinq notes.

Après analyse, Thomas Fritz a constaté que les Mafas classaient souvent les extraits au tempo rapide comme étant joyeux, et ceux au tempo plus lent comme tristes ou effrayants. Bref, des indices acoustiques leur permettaient de détecter des émotions, même si la musique écoutée leur était radicalement étrangère.

Alors, universel ou relatif à une culture ?

Suffisant pour conclure que les émotions musicales traversent les cultures et sont universelles ? Non, rétorquent la majorité des ethnomusicologues, qui pointent certains biais méthodologiques – par exemple, associer des perceptions auditives à des représentations visuelles, qui plus est trois seulement. Pour eux, les émotions musicales relèvent avant tout du contexte culturel dans lequel elles s’expriment.

Le Franco-israélien Simha Arom argumente avec ses recherches menées auprès des Pygmées Akas, à qui il a fait écouter du Mozart, du Jean-Sébastien Bach, du jazz, de la country, etc. : « Les Pygmées respectaient ma musique mais avouaient ne rien ressentir de particulier. »

Difficile à trancher

Alors quoi ? L’émotion de la musique lui appartient-elle ou est-elle acquise ? La diffusion mondialisée des standards musicaux occidentaux rend de plus en plus difficiles les recherches sur des oreilles, sinon vierges, du moins spécifiques.

La probabilité qu’un peuple isolé en Afrique ou en Amazonie ait jamais entendu Michael Jackson, Pharrell Williams ou même les Beatles devient toujours plus infime. Un motif de joie ? De peur ? De tristesse ?

 

 

Article Science&Vie publié le 27 avril 2022. Signé Gaia Jouanna

Qu'est-ce que la synesthésie ?

Quel est le point commun entre Lady Gaga, Pharell Williams et Zaz ? Ils sont tous atteints de synesthésie. Cet étrange phénomène neurologique consiste en un lien entre différents sens, qui ne devrait pas avoir lieu en temps normal…

Pour vous, les chiffres, les mots ou les musiques ont des couleurs ? Vous être peut-être atteint de synesthésie ! Pas de soucis, c’est tout à fait bénin, mais cela vous différencie de la majeure partie de la population. En effet, on estime de 4 à 5 % des adultes le sont, même si cela est sûrement sous-estimé, étant donné que beaucoup le sont sans doute sans le savoir. La synesthésie revient à associer deux sens qui n’ont pas de raison de l’être. Dans l’exemple de la musique et de la couleur, c’est l’ouïe et la vue. Mais cela peut aussi être le goût et l’ouïe, alors chaque chanson a une saveur différente…

L’association de chiffres ou lettres à une couleur, qui s’appelle synesthésie graphème-couleur, est la forme majoritaire, elle représente 1 des 4 ou 5 % de personnes touchées. Ces pourcentages concernent la synesthésie développementale, celle qui est toujours présente. Il arrive aussi que des personnes fassent l’expérience de ces associations sous l’emprise de drogues, de médicaments ou à la suite de lésions cérébrales ou migraines.

Les causes de la synesthésie développementale sont multiples, et ne sont pas clairement élucidées. Comme beaucoup de phénomènes neurologiques, il semble y avoir un mélange de facteurs génétiques, environnementaux et cérébraux. Quel qu’en soit l’origine, la synesthésie n’est pas nouvelle : le mot synesthésie a été utilisé pour la première fois pour le décrire en 1892, et la première mention du phénomène date de 1772.

 

Article Science&Vie publié le 08 janvier 2022. Signé Vincent Nouyrigat

Comment le cerveau en vient-il parfois à "voir" la musique ?

Magnifique dérèglement des sens ! Là où la plupart d’entre nous entendent simplement la musique, certains visualisent en plus une forme, une lettre ou une couleur. Et ce qui vaut pour l’ouïe peut concerner la vue ou l’odorat. Cela s’appelle la synesthésie.

Soit l’étrange faculté qui, pour un même stimulus, voit deux sens s’activer en même temps. Pourtant, chacun possède un organe dédié auquel correspondent des aires cérébrales chargées d’analyser les informations qu’il transmet. Par quel tour de passe-passe proprement rimbaldien le cerveau en vient-il à voir certains accords en jaune, rouge ou bleu, ou à les associer à des parfums ?

Que se passe-t-il dans le cerveau de ces synesthètes capables de mettre en musique un sens? Selon la théorie la plus largement acceptée, tout viendrait du fait que le nombre de connexions entre les régions sensorielles (par exemple, celles qui traitent la vue et l’ouïe) serait plus important.

Les neurones de l’ouïe activeraient automatiquement ceux d’un autre sens

Une autre théorie met l’accent sur l’intensité de ces connexions neuronales, qui serait excessivement développée (les neurones seraient à la fois hyperconnectés, reliés par plus de synapses et hyperexcitables, du fait de leur chimie interne). Du coup, l’activité d’une zone sensorielle (l’ouïe, par exemple) en activerait d’autres (la vue, l’odorat…), tandis que d’ordinaire, l’excitation des neurones d’une zone, équilibrée par un processus d’inhibition, se propagerait peu ou pas vers d’autres zones sensorielles.

Quoi qu’il en soit, les personnes douées de synesthésie arborent généralement un grand potentiel créatif. Un don qui, selon une étude menée en 2008 à l’université d’Edimbourg, sommeillerait en fait chez une personne sur 23. Peut-être êtes-vous un synesthète qui s’ignore !

 

Article Science&Vie publié le 25 juin 2017. Signé Karine Jacquet.

Quel est le secret de l'oreille absolue ?

Les surdoués de l'oreille musicale n'ont pas tant une meilleure ouïe, qu'une meilleure mémoire des notes ! Leur secret se cache dans le cerveau, juste derrière leurs tempes.

Moins d’un individu sur 10 000 est capable d’identifier les notes exactes qui composent un son, là où la majorité discerne seulement les hauteurs de tons. Ces surdoués de l’oreille musicale reconnaissent même que tel micro-ondes vrombit un ré ou que la tonalité du téléphone est un la ! Pourtant, leur oreille n’a rien de particulier et leur aptitude de perception est identique au reste de la population.

Leur secret réside ailleurs : au niveau du cerveau. C’est là, quand le signal sonore y parvient, que les voies divergent et que la mémoire s’en mêle. En effet, les personnes douées de l’oreille absolue ont, ancrée dans leurs circuits neuronaux, une correspondance fréquence perçue/note mémorisée à tout jamais. Cette capacité serait même visible.

Des recherches menées en 1998 à l’aide de la tomographie par émission de positons (qui permet de visualiser les zones du cerveau mobilisées lors de l’exécution d’une tâche précise) ont dévoilé des particularités chez les « absolutistes » au niveau du cortex temporal. Ici, une aire appelée le planum temporale (situé à la hauteur de la tempe), dévolue au traitement du son et à la comparaison des informations transmises avec des expériences déjà emmagasinées, s’avère d’une part anormalement suractivée en phase d’écoute et d’autre part plus développée, jusqu’à 40 % de plus dans l’hémisphère gauche que dans le droit.

C’est la pratique qui développe l’oreille absolue

Si certains avancent l’existence d’un gène de l’oreille absolue, tant sa prévalence est forte dans les familles de musiciens, d’autres la réfutent, arguant que ce n’est pas parce qu’un trait de caractère est familial qu’il est génétique. La preuve avec les enfants bilingues…

Toutefois, les dernières études semblent indiquer que l’oreille absolue serait acquise et développée grâce à une pratique systématique. Une étude américaine de 1998 a montré que, sur 612 musiciens, 40 % de ceux dont l’éducation musicale avait commencé dès 4 ans avaient l’oreille absolue, contre 4 % de ceux qui ont commencé après 9 ans. La mémoire absolue serait ainsi le fruit d’un long travail qui débute très tôt et dont la plupart des absolutistes adultes ne se souviennent pas.