Rollin' and Tumblin'

 

« Rollin’ and Tumblin’ » est un vieux standard de blues dont les origines (enregistrées) remontent à la toute fin des années 1920. C’est en 1929 que Hambone Willie Newbern enregistre pour le label Okeh un morceau intitulé « Roll and Tumble Blues » :

 

Si le titre a connu de nombreux avatars, parfois avec d’autres paroles et même un autre titre (dont une version enregistrée en 1967 par The Yardbirds sur leur album Little Gameset intitulée « DrinkingMuddy Waters » (le guitariste était alors Jimmy Page), c’est surtout la version « électrique » de Muddy Waters qui sert de référence à Jeff Beck. Enregistrée en 1950 pour le label Aristocrat, cette version est officiellement créditée comme étant composée par McKinley Morganfield, vrai nom de Muddy Waters.

Version originale de « Rollin’ and Tumblin’ » :

Version des Yardbirds :

Version de Muddy Waters :

 

C’est un blues en la dont la structure est assez classique (AAB = ici A sur lab et B – la phrase chantée – en mib puis retour sur lab – guitare) comme le montrent les deux images ci-dessous réalisées avec Sonic Visualiser (melodic range : l’outil a été placé sur la note chantée par ImogenHeap, son nom et sa fréquence apparaissent à gauche de l’image. Image 1 = A – G# = lab ; image 2 = B – D# = mib).

Structure AAB de la phrase musicale de « Rollin’ and Tumblin’ ».
© Chris Cannam, Christian Landone, and Mark Sandler, Sonic Visualiser: An Open Source Application for Viewing, Analysing, and Annotating Music Audio Files, in Proceedings of the ACM Multimedia 2010 International Conference.

 

Il s’agit d’un jeu responsorial classique dans le blues : la phrase vocale précède le riff joué (souvent à la guitare) qui, lui, est immuable. L’exemple de « Mannish Boy » de Muddy Waters est significatif.

On retrouve le même principe dans de nombreuses chansons de blues rock ou hard rock typées blues comme les couplets de « Whole Lotta Rosie » de AC/DC qui est, basiquement, la même chose que ce que l’on entend chez Muddy Waters.

La structure AAB des sections chantées apparaît très clairement ci-dessous.

Forme générale de « Rollin’ and Tumblin’ ».
© Chris Cannam, Christian Landone, and Mark Sandler, Sonic Visualiser: An Open Source Application for Viewing, Analysing, and Annotating Music Audio Files, in Proceedings of the ACM Multimedia 2010 International Conference.

On remarque l’introduction en trois sections : phrase mélodique de la guitare/riff seul/riff + batterie. La fin du pont est marquée par un assez long silence avant que ne reprenne le chant (toujours AAB). La coda est construite sur le même principe que le pont.
Une remarque s’impose. Il est fréquent de lire des analyses de morceau de rock relevant ce qui est entendu. On trouve ainsi des morceaux prétendument joué en mi b mineur. Il faut pourtant se méfier des tonalités en bémols lorsque l’on a affaire à un guitariste. Il arrive en effet fréquemment que la guitare, pour diverses raisons, soit accordée un demi-ton plus bas (de la corde grave à la corde aiguë : mib – lab – b – solb – sib – mib). Ce que l’on entend n’est pas forcément ce que le guitariste joue. L’incidence est dans le geste et le doigté : ainsi accordée, l’auditeur entend bien des accords de lab mais le guitariste joue en réalité en la. Un exemple d’accordage est donné dans le tuto autour de « Dirty Mind » (voir rubrique tutoriels). Il est possible que ce soit le cas ici et que Jeff Beck use d’un accordage abaissé mais joue en réalité des doigtés de la.
On pourra comparer la version de Beck avec celle, quasi contemporaine, enregistrée par Eric Clapton et B.B. King en 2000.