MOZART FRANC-MACON

Avant de découvrir la musique de Mozart en lien avec la franc-maçonnerie, il faut se plonger dans l'histoire de la maçonnerie. Il y a pléthore d'informations, mais la vidéo suivante est particulièrement synthétique. A voir avant le cours !

 

 

Si cela vous passionne, et pour connaître les symboles maçonniques (que vous retrouverez dans la Flûte Enchantée) :

 

Comprendre Mozart franc-maçon, c’est d’abord pouvoir imaginer qu’au XVIIIè siècle, l’ordre maçonnique regroupait les principales intelligences européennes. Certainement imposant, il comptait comme l’un des courants de pensée le plus influent de l’époque.
Le principe de la pensée maçonnique, que l’on appelle également Art royal, est l’amélioration de l’Homme, avec un « H » majuscule, par le respect et l’observance des idéaux d’une morale rigoureuse.  Et bien entendu, ce principe allait de pair avec la philosophie du XVIIIè siècle, celle qui marqua le mouvement de l’« Aufklärung », ou ce qui fit le siècle des Lumières.

L’Ordre maçonnique témoignait de sa croyance en Dieu, ou plutôt de ce qu’il appelle le Grand Architecte de l’Univers. Mais le Vatican ne l’a jamais reconnu.

On y trouve essentiellement des intellectuels. Par exemple, vous aviez les hommes de lettre comme Schiller, Goethe, des empereurs, des princes, comme François Premier, empereur d’Autriche, le Prince de Kaunitz, et bien d’autres. Mais également beaucoup de musiciens. : Dalayrac, Philidor, Cherubini, Grétry, Méhul, Piccini, Gossec, Devienne, ou Giroud, et même Joseph Haydn. Et rappelons-nous que nous nous situons toujours au XVIIIè siècle.

C’est donc parmi ces compositeurs que Mozart trouva un accueil, un soutien moral et financier dont il avait parfois besoin. De nombreuses compositions sont donc liées à la Franc-maçonnerie.
En janvier 1786, Mozart compose deux chants pour l’inauguration de la nouvelle loge nommée « La Nouvelle Espérance Couronnée », (Soyez émus aujourd’hui, chers frères K. 483 et Vous, nos nouveaux guides K. 484)
Un chant pour accueillir le visiteur et un autre pour l’accompagner vers la sortie.

Lied K.483 :
 
Lied K.484 :

Mais d’autres œuvres bien plus importantes rythmaient la vie de l’Ordre, comme la Cantate Maçonnique, un éloge de l’amitié, ou une cantate composée pour une cérémonie rituelle,

Die Maurerfreud, (La Joie du Maçon), K. 471 :

Sans oublier la Flûte Enchantée, bien sûr. Cette fameuse Flûte enchantée ! Elle est bien la signature d’un fervent défenseur de l’Ordre maçonnique qui a connu vers la fin du XVIIIè siècle, disons-le, un déclin certain. En effet, l’histoire trop complexe peut cependant être résumée.
L’empereur germanique Joseph II, fils aîné de François Premier, Franc-Maçon, n’a jamais reconnu la bulle pontificale, celle du Pape Clément XII qui condamne l’Ordre. Cette position a permis à la Franc-Maçonnerie une vie prospère à Vienne et en Autriche. Cette position a également permis à un plusieurs membres du clergé d’appartenir à une loge. Mais les choses se gâtent le 11 décembre 1785. L’Empereur Joseph II réduit le nombre de loge, sans doute par peur des idées un peu trop nouvelles, voire révolutionnaires.
Joseph II meurt le 20 février 1790, et son frère Léopold II, qui le remplace, met la franc-maçonnerie sous haute surveillance. Eh oui ! Marie-Antoinette, la sœur de Joseph II et de Léopold II n’est autre que l’épouse de Louis XVI, et les idées dangereuses, révolutionnaires de la franc-maçonnerie deviennent d’autant plus inquiétantes que la Révolution française fera tomber des têtes royales en France ! Les craintes se justifient.

Mozart entre en maçonnerie en 1784 (il a 28 ans) mais il avait bien des contacts auparavant. A 11 ans, par exemple, il met en musique une ariette «An die Freude» (K. 53) dont le texte est inspiré de sentiments maçonniques, c’est-à-dire, les thèmes de la paix, de l’amour entre les hommes, pour son médecin qui l’avait soigné de la variole.

 


Mozart fréquentera toute sa vie durant des personnages jouant un rôle plus ou moins important en franc-maçonnerie. Et c’est un ami proche, le baron Gemmingen, qui procédera à l’initiation de Mozart en 1784. Ensuite, Mozart fera preuve de zèle exceptionnel, puisqu’il franchira plusieurs grades très rapidement jusqu’à devenir Maître. Il est si zélé qu’en l’année 1785, soit juste un an après son initiation, Mozart ouvre les portes de la Franc-Maçonnerie à son père, et à Joseph Hadyn !

Il faut présenter des travaux pour progresser, des travaux appelés «planches». Et la fécondité connue de Mozart permet une réalisation impressionnante d’œuvres pendant cette période précise. Mais la première commande musicale date de 1773 est émane d’un certain Gebler, franc-maçon qui demande à Mozart la composition de la musique de scène de Thamos, roi d’Egypte.


La Franc-maçonnerie renferme une symbolique que l’on retrouve dans les œuvres de Mozart. Il faut réussir à la lire. Cependant, toutes les œuvres dites maçonniques n’ont pas le même contenu ou le même objectif. En effet, Mozart a composé des œuvres explicitement maçonniques, celles qui sont destinées à illustrer un texte glorifiant une pensée maçonnique, des chants ou des cantates, sans référence aux symboles et donc sans sacralisation. Des œuvres instrumentales qui accompagnent un moment de la cérémonie ou un rituel. (deux Adagios, l’un pour 2 cors de basset et basson K. 410, et l’autre pour 2 clarinettes et 3 cors de basset K. 411). Et enfin, toutes les autres œuvres inspirées de symboles et de contenus proprement maçonniques.

Adagio K.411 :

Dans le rituel, le franc-maçon trouve la possibilité de quitter le « monde profane » pour « élever son cœur en fraternité et tourner son regard vers la lumière ». La musique doit donc trouver le pouvoir d’accomplir cet mutation, en quelque sorte, et cela, grâce à de nombreux symboles. Par exemple, l’élément ternaire qui peut apparaître dans la musique sous trois formes :

La tonalité avec trois dièses ou trois bémols, la tierce symbole de la parfaite harmonie ou la note pointée, symbole du temps.

Le profane entre en loge en boîtant, sur un rythme ternaire, qui accessoirement rappelle Œdipe. Il y a les trois marches ascendantes qui permettent la montée vers l’Orient, montée que l’on perçoit dans le concerto en ré mineur K. 466 ou dans la Symphonie en ut majeur K. 551.

La spatialisation dans l’orchestre, les dialogues entre les instruments reprennent  le principe d’échanges verbaux dans les loges où chaque participant a sa place, le passage du non-construit, de l’informe à la rigueur, de la pierre brute à la pierre cubique, du chaos à l’ordre, et ce procédé se trouve facilement dans l’œuvre de Mozart. Prenons le quatuor en do majeur communément appelé le quatuor des « Dissonances ».
Un thème musical dans lequel on pourrait voir une accumulation de fausses notes s’étend lentement sur 22 mesures, jusqu’au moment où s’élancera, en do majeur, la mélodie simple et lumineuse du thème du premier mouvement. Ce quatuor est la seconde œuvre de Mozart après l’initiation.

 


On trouve ce procédé dans l’ouverture de la Symphonie en ré majeur, dite de « Prague », K. 504 et la symphonie en mi bémol majeur K 543.

Pendant les années qui suivirent l’initiation de Mozart, soit après 1784, plusieurs œuvres ont vu le jour au sein de la confrérie. Elles étaient destinées à différentes cérémonies, mais on les retrouvait également dans des œuvres absolument profanes, qui n’avaient donc aucun lien avec la Franc-Maçonnerie.
Oui, les œuvres interprétées pour les séquences rituelles devaient être jouées par les instruments qui constituaient ce que l’on appelle les colonnes d’harmonie, c’est-à-dire, des instruments à vent à cause de leur lien direct avec le souffle et donc la voix.
Et après leur emploi rituel, ces œuvres pouvaient intégrer des divertimenti ou des sérénades profanes pour instruments à vent. Prenons l’Adagio K. 411 pour deux clarinettes et trois cors de basset.

 

L’écriture des parties lentes coïncide avec une pratique du rituel. La lente phrase mélodique accompagne les frères en marche. Les frères qui procèdent à l’ouverture et à la fermeture de la loge. Les silences correspondant aux arrêts nécessités par des gestes rituels interrompent la mélodie. Et tous les mouvements lents des cinq divertimenti K.439b suivent ce procédé.

Mozart a aussi composé des œuvres maçonnique non rituelles, mais curieusement, ces œuvres datent du temps ou Mozart n’était pas franc-maçon. Souvent des œuvres de jeunesse et d’adolescence. Elles témoignent des rapports étroits qu’il entretenait avec certains franc-maçons. Ces œuvres n’ont aucun caractère rituel, mais sont plutôt une louange ostentatoire, puisque le texte que soutient la musique est proprement maçonnique.
Il s’agit de deux lieder, An die Freude (à la joie) K. 53 et

O Heiliges Band (Ô lien sacré)  K. 148 :

La musique de scène pour le drame allemand Thamos König in Aegypten et la 26è symphonie en mib majeur, K. 184, qui est devenue l’ouverture de Thamos dans la version de 1779.

A dix-sept ans, Mozart travaille sur le livret du baron Tobias Philippe von Gebler, pour la composition de Thamos König in Aegypten, un livret entièrement d’inspiration maçonnique.

Et l’Ode Funèbre K. 477, est exceptionnelle, de par son inspiration et son langage musical. On peut la considérer comme une charnière entre les compositions rituelles et celles inspirées par la symbolique. Alfred Einstein, le musicologue, la considère « comme une des pages les plus magnifiques de Mozart, comme une composition religieuse qui forme un lien entre la messe en ut mineur K. 427 de 1781 et le Requiem. » Cette œuvre est révélée maçonnique par Mozart lui-même ! Et elle contient les éléments symboliques dont nous parlions tout à l’heure. Trois bémols à la clé pour les trois points, trois appels ouvrent l’œuvre, trois espaces délimités dans la partition, correspondant aux répons du Vénérable et des deux Surveillants, les répons sont à la tierce, trois notes, symboles de sérénité, la marche lente, la procession, la durée d’exécution qui est la même qu’une procession complète, et la fin de l’œuvre qui resplendit, et qui plonge vers la lumière, à l’inverse de ce que l’on pourrait attendre d’une œuvre funèbre. C’est la vision de Mozart face à la mort, la vision des franc-maçons, puisque vie et lumière sont rendues à l’initié. A propos de cette œuvre, Mozart écrit à son père le 4 avril 1787 :
« Et je remercie mon Dieu de m’avoir accordé le bonheur de saisir l’occasion d’apprendre à connaître la mort comme la clé de notre félicité ».

 


Le Quatuor en la majeur K. 464 est la première œuvre écrite après son initiation, le 10 janvier 1785. On n’y trouve pourtant que très peu de symbolique franc-maçonnique. Peut-être le chiffre trois avec les trois altérations à la clé. La construction rigoureuse, l’ordre établi des éléments musicaux peut s’apparenter à l’ordre émanent de la construction du temple, celui qui est en l’homme. D’ailleurs, Kant disait de ce quatuor qu’il était l’équivalent musical de la Critique de la Raison Pure. Mais, avec si peu d’éléments, pourquoi soupçonner cette œuvre de d’inspiration maçonnique. Parce que le dernier mouvement renferme un élément inhabituel pour un quatuor : un choral qui intervient dans le discours musical après un long silence qui étonne. Le choral apparaît dans d’autres œuvres proprement maçonniques, comme l’Ode Funèbre, la Flûte Enchantée. Il est l’expression même de la rigueur et de la gravité. Ecoutons-le, après le discours des violons, cette phrase mélodique du choral interprétée par le Mozarteum Quartett Salzburg, apparaît et se développe sur une vingtaines de secondes, comme venu de nulle part.

 


En revanche, le quatuor suivant K465, terminé quatre jours après celui que nous venons d’entendre propose une symbolique bien plus riche. C’est le quatuor des « dissonances » dédié à Joseph Haydn et à propos duquel ce dernier déclarait que Mozart « était le plus grand compositeur que le monde ait connu ». La tonalité de do majeur, est celle destinée au grand créateur. Pour d’autres compositeurs d’ailleurs, do majeur est souvent réservé à la symbolique de Dieu. Ici c’est le cas. Dans cette œuvre, Mozart nous conduit de l’ombre vers la lumière. En premier lieu, le discours musical nous heurte sans arrêt aux dissonances pour arriver enfin au thème principal d’une grande pureté et d’une extraordinaire limpidité.
Peut-être ce quatuor est-il la première planche, c’est-à-dire le premier travail obligatoire soumis à sa loge.

Le concerto pour piano et orchestre en ré mineur n° 20 K. 466 tient une place à part, semble-t-il. Ce concerto, daté du 10 février 1785, a retenu l’attention des pianistes du XIXè siècle. Beethoven lui-même en a écrit la cadence. Il est plus grave, plus profond, plus abouti. Il y a comme un nouvel apport.

D’après les documents de l’époque, pendant la temps d’écriture de ce concerto, Mozart est plongé dans une activité débordante en maçonnerie. Les trois premières mesures de l’allégro du premier mouvement rappellent les trois marches d’accès au temple, celui de l’élévation.

Plus qu’une mélodie, Mozart installe une atmosphère, sensiblement lourde, comme une pénombre dans laquelle Mozart voudrait plonger l’auditeur. On a la présence des répons entre les cordes et les bois, jusqu’à la construction de l’accord de mi bémol majeur, tonalité à trois bémols. Mais l’ombre, le caractère obscur, laisse bientôt la place à la lumière comme le veut la symbolique maçonnique. Et c’est le piano qui apporte cette lumière, presque comme s’il voulait effacer l’obscurité toujours entretenue par l’orchestre. Et tout se transforme. Les éléments musicaux qui composaient l’introduction grave et lourde par l’orchestre, sont réemployés à la fin du mouvement, mais miraculeusement la musique n’est plus que lumière et limpidité.
Le second mouvement est entièrement baigné de lumière. Et dans le troisième mouvement apparaît l’esprit de Tamino, futur personnage de la Flûte Enchantée. En effet, l’énergie vibrante et assurée de ce mouvement n’apporte que joie, celle qui doit demeurer dans les cœurs, ainsi que le veut le texte du rituel.

On peut considérer trois périodes distinctes. La première que nous venons d’étudier rassemble les œuvres qui expriment cette exaltation du Mozart tout jeune franc-maçon.

La seconde période, autour de 1788, est extraordinairement féconde. Pourtant, c’est à ce moment que Mozart vit ses heures difficiles, pendant lesquelles il s’enfonce dans la misère. Sa musique n’a plus le succès d’avant. Mais la symbolique maçonnique est plus présente que jamais. Dans le Symphonie n°39 en mi bémol majeur K.543, notons déjà les 3 bémols à la clé, trois fois trois battements sont énoncés rituellement par les cordes. Ils font pressentir ceux de l’ouverture de la Flûte Enchantée. Et comme dans le quatuor des Dissonances,  l’adagio avance par une mise en place pesante et lente, sans faire apparaître de véritable thème. Puis l’impression devient tout autre, trois gammes, cette fois ascendantes, se substituent aux gammes jusque-là descendantes. Le rythme ternaire de l’ombre s’efface peu à peu, alors que naît, le jour. Le tempo ralentit et quelques notes énoncées simplement dessinent l’horizon d’où va s’élever la lumière. Et dans le thème lui-même, un thème limpide, dépouillé, transparent, Mozart utilise les tierces, une autre symbolique maçonnique.

Le deuxième mouvement symbolise l’espace grâce aux répons, souvenir du pavé mosaïque, alternance entre blanc et noir.

La dernière symphonie :

Présence incontestable de la symbolique dans la symphonie n° 40 en do majeur K. 551. Toujours les trois marches qui vont vers la lumière du vénérable Maître, avec alternance de la force et de la tendresse dans les deux motifs, la symbolique de l’espace, le noir et le blanc, l’homme et la femme. Le premier mouvement entier est un équilibre entre interrogations et réponses. Aussitôt qu’un motif semble interroger, le suivant apaise et donne la réponse

La troisième période. Les ponts sont coupés entre Mozart et la haute société qui l’adulait quelques années auparavant. Qui lui tourne le dos ? Certainement pas ses frères maçonniques auprès desquels il trouve un sérieux refuge moral, et quelques fois financier. Date du concerto pour clarinette : 7 octobre 1791. cette œuvre s’insère dans la production maçonnique la plus intense et la plus à découvert qui fût. Ce concerto est précédé de la Petite Cantate Maçonnique K.619, de la Flûte Enchantée K.620, et suivi par la Grande Cantate Allemande Maçonnique K.623 et le Chant Maçonnique K.623a.

La Flûte Enchantée est une œuvre qui chante tout autant l’accession au bonheur et à la félicité par l’amour. Pas de mensonge ou autre défaut, mais de la sérénité dans la clarté et la transparence de la vérité. Il n’y a pas d’intrigue tramée, mais plutôt des questions : le bien pourra-t-il vaincre le mal ? Tout profane peut-il être initié ? Le principal moteur de l’action se révèle être le suivant : en dépit de la diversité de leurs cultures, de leurs croyances, de leur rang social, les hommes ont tous le même droit d’accéder au bonheur et à l’amour. Dans les premières scènes, les protagonistes appartiennent au monde de l’imaginaire. Ils deviennent par la suite des êtres humains.

Découverte (humoristique, mais bien réalisée)

 

 

Petit résumé de 7 minutes en lien avec la Flûte Enchantée