L'OPERA

C’est l’une des institutions les plus fermées aux compositrices, l'opéra. Et pourtant, certaines d’entre elles ont réussi à forcer le destin et à en pousser les portes à priori infranchissables. A découvrir, Louise Bertin, Ethel Smyth, Kaija Saariaho ou Olga Neuwirth...

Elsa Fottorino

A écouter sur France Musique

 

Francesca Caccini (1587-1641)

1625, premier opéra composé par une femme. Les rapports de pouvoirs entre les sexes sont inversés ! C’est un monde à l’envers qui est présenté sur la scène.

La famille Caccini protégée par les Médicis. A Florence, les compositrices parviennent même à se faire publier. Surtout des œuvres sacrées écrites par des religieuses dans les monastères, comme Isabella Leonarda.

La liberazione di Ruggiero dall'isola d'Alcina : Biondo dio del bel permesso (Prologue)



Le rayonnement de Caccini dépassait largement les frontières de l’Italie.


Francesca Caccini
La liberazione di Ruggiero dall'isola d'Alcina :   - O bei pensieri volate (Scène 1) Choeur des demoiselles d'honneur   - Tra gli ardori (Prologue) Choeur des Dieux de l'eau
Orchestre La Pifarescha  
Choeur Allabastrina  
Elena Sartori, direction  
Glossa

Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729)

Céphale et Procris 
Premier opéra composé par une femme en France. Adapté des Métamorphoses d’Ovide, il est représenté en 1694 pour la première fois à l’Académie Royale de Musique. Mais elle est surtout connue pour ses pièces dédiées au clavecin et ses cantates. Placée sous la protection de Louis XIV, son opéra ne rencontre pas le succès pourtant mérité.

 

 


Louise Bertin
(1805-1877)

La Esmeralda 

14/11/1836, un opéra se joue ce soir-là. Tout le gratin est réuni pour La Esmeralda de Louise Bertin. Une musique inventive, dramatique, sur un livret de Victor Hugo qui a adapté pour la scène son roman Notre-Dame de Paris. Après 5 années de collaboration avec Hugo et 86 répétitions, le rideau se lève enfin sur cette œuvre majeure.

Phoebus n'est-il sur la terre (Acte IV), Romance, Esmeralda

 


En 2008, c'est la première fois que cet opéra est rejoué depuis 185 ans.

Sa création s’était soldée par un échec très violent pour la compositrice. Avec ce quatrième opéra elle connaitra un déclin inexorable et ne s’en remettra pas. Le père de Louise Bertin, un orléaniste proclamé, était le directeur du « Journal des débats » et Victor Hugo n’avait pas que des amis. La critique s’est déchaînée.
Berlioz avait conduit les répétitions (la jeune Louise avait été atteinte par la poliomyélite et ne pouvait se déplacer qu’avec des béquilles), raconte cet échec dans ses mémoires. Cette œuvre d’une femme dont le seul tort était d’appartenir à la famille des directeurs d’un journal puissant dont un certain public détestait alors la tendance politique, cette œuvre de beaucoup supérieure à tant de productions que nous voyons journellement réussir, ou du moins être acceptée, tomba avec un fracas épouvantable.
L’exemple d’un critique au Courrier des théâtres : « Quand on songe, en effet, aux exigences de la nouvelle école musicale, on s’étonne qu’un cerveau féminin ait pu jusque là y satisfaire ».
Cinq représentations plus tard, l’œuvre tombait et allait entrer dans un oubli durable.

Mais Victor Hugo écrit à un ami imaginaire (En voyage, tome I) :

« L’avenir, n’en doutez pas, mon ami, remettra à sa place ce sévère et remarquable opéra, déchiré à son apparition avec tant de violence et proscrit avec tant d’injustice. Le public, trop souvent abusé par les tumultes haineux qui se font autour de toutes les grandes œuvres, voudra enfin réviser le jugement passionné fulminé unanimement par les partis politiques, les rivalités musicales et les coteries littéraires, et saura admirer un jour cette douce et profonde musique, si pathétique et si forte, si gracieuse par endroits, si douloureuse par moments ; création où se mêlent, pour ainsi dire dans chaque note, ce qu’il y a de plus tendre et ce qu’il y a de plus grave, le cœur d’une femme et l’esprit d’un penseur. »

Ethel Smyth (1858-1944)

Compositrice et suffragette britannique. Elle a écrit 7 opéras. Elle est la première femme dont la musique a été jouée au Metropolitan Opera de New York, en 1903. 
Plus d'un siècle plus tard, ce sera au tour de Kaija Saariaho avec L’Amour de loin.
Et à Vienne, il faudra attendre 2019 pour que l’opéra d’une femme soit donné. Ce sera Orlando d’Olga Neuwirth. 

The Wreckers (les naufragés), troisième opéra sur 7.

Prélude (Acte I)

 

 

Olga Neuwirth, 1968-

Autrichienne, élève de Tristan Murail (musique acousmatique), qui signe la bande originale du film « Good night, Mommy ».

 

En 2019, elle crée à l'Opéra de Vienne, son premier opéra : Orlando. C'est la première fois que l’institution accueille une composition féminine.

Découvrir Orlando

 

 

Un homme qui change de sexe et des femmes autour !

 

 


Kaija Saariaho, 1952-

Compositrice finlandaise, la seule compositrice jouée au MET après Ethel Smyth

Son premier opéra, L'Amour de loin a été décrit par le New York Times comme la « Best New Work of the Year 2000 ».

Quelques mots sur Kaija Saariaho