Les Troubadours

 

Les troubadours sont des poètes musiciens compositeurs. Ce sont des hommes ou des femmes. Les premiers troubadours étaient originaires d'Aquitaine et du Limousin. Puis le mouvement s'est étendu vers le midi toulousain, le Languedoc, puis vers la Catalogne et le nord de l'Italie.

Le terme troubadour que l’on prononce trobador en occitan, vient du verbe trobar, du latin tropare, qui signifie alors "composer des tropes", c'est-à-dire des pièces chantées en latin destinées à orner le chant liturgique. Un terme proprement religieux.

Mais, peu à peu, le terme désigne également une activité littéraire qui signifie création, invention, trouvaille. Les troubadours inventent le poète comme "trouveur" de mots, de sons, de rimes, c'est-à-dire comme artisan. Le verbe trobar en langue d’oc veut donc dire « trouver ».

Ecoutez Rassa, tan creis e monta e poia, (Rassa, tant grandit, monte et s’élève celle qui est dépourvue de toute fourberie), de Bertrand de Born vers 1140-1215


Les troubadours n’écrivent pas en latin mais dans leur langue maternelle : la langue d’Oc. Cette langue est parlée par toutes les populations du sud de la France. La Loire fixait à peu près la limite entre la langue d'Oil, au nord, et la langue d'Oc, au sud. La langue d’Oc est comprise par certaines populations de la péninsule ibérique et du Nord de l’Italie. Dante Alighiéri se posa la question de savoir s’il devait écrire en langue d’Oc ou en Italien. C’est dire l’importance de cette langue au Moyen Age.

Bien entendu, la langue d’Oc est très proche du latin. On peut dire que c’est le latin parlé par les populations du sud qui a évolué : à l’époque, on appelle aussi cette langue le roman.
Pour qu’une langue produise de la poésie, il faut que sa grammaire et son vocabulaire soient déjà fixés. Il a fallu que certaines classes de la population, parmi les plus instruites, l’utilisent pour la faire évoluer.
Or, c’est le cas pour celle-ci. Il y a en effet, communauté de langue et d’organisation sociale de Poitiers à Marseille.

Ecoutez Tant m’abellis l’amoros pessamens, (tant me plaisent mes amoureuses peines, qui venues se loger dans mon cœur fidèle), de Folquet de Marseille, vers 1160-1231, un troubadour protégé par Richard Cœur de Lion, entre autre, et qui décide de se retirer dans l’abbaye Cistercienne du Thoronet, où il devient abbé, puis évêque de Toulouse.



Le troubadour est donc celui qui trouve, c'est à dire celui qui compose. Très vite, il va revendiquer une exigence et un savoir faire  tels qu'il souhaitera se distinguer de celui qui n'est qu'un interprète : le « joglar ».

Le joglar était un amuseur itinérant qui reprenait les chants du troubadour pour les diffuser.

On imagine généralement que les troubadours étaient ces chanteurs frêles et ennuyeux, qui allaient de château en château. C’est entièrement faux. Ils étaient en fait une multitude de créateurs de poésie à chanter, lettrés et passionnés. Pour eux les mots et la musique sont indissociables.
Le plus ancien que nous connaissions est Guillaume de Poitiers, qui était à la fois, Comte de Poitiers, et Duc d'Aquitaine, et plus puissant que le roi de France.
Avec les allusions, les réflexions, les idées sous-jacentes que l’on comprend à travers les poèmes, on peut voir qu’ils possèdent tous une certaine instruction, voire pour certains une érudition élevée.

Les troubadours venaient de milieux sociaux très différents : on compte parmi leurs rangs des rois, des comtes, des princes, des barons, des chevaliers, mais aussi des bourgeois et même des hommes de Dieu, des moines, des chanoines, des serviteurs ou des commerçants. Gui Folqueis était troubadour avant de devenir le pape Clément VI.

Jaufré Rudel, vers 1125-1148, était prince de Blaye. Il mourut, à Tripoli, dans les bras de la princesse dont il avait été amoureux sans la connaître. Chantre de l' "amour de loin", il a laissé huit poèmes nourris de rêveries et d’amour lointain, d’ailleurs caractérisés par la répétition obsédante du mot lohn, c’est-à-dire loin.

Ecoutez une oeuvre de Jaufré Rudel : no sap chantar qui so non di… (Il ne sait pas chanter, celui qui ne fait pas la mélodie, ni trouver des vers celui qui ne fait pas les mots).



D’un côté, il y avait les hommes relativement puissants, et à l’opposé, il y avait Cercamon, traduisez "celui qui court le monde" et Marcabru, surnommé "pain perdu", de simples jongleurs sans doute très pauvres. Et dans la hiérarchisation de l’église, le jongleur était une véritable catastrophe sociale ; la seule personne située plus bas que lui était la femme.

L'un des principaux troubadours de la deuxième moitié du XIIe siècle, Bernard de Ventadour, qui suivit Aliénor d'Aquitaine à la cour Angleterre, était d'origine assez humble, fils d'une servante du château de Ventadour.

Et enfin, certains troubadours étaient des femmes, les trobaïritz, dont la plus connue était la Comtesse de Die.

Quelques mots sur la comtesse de Die.
On ne sait pas grand chose sur la comtesse de Die, sauf peut-être qu’elle fut l'épouse du troubadour Guillaume de Poitiers et qu’elle s'énamoura de Raimbaut d'Orange, pour lequel elle fit de nombreuses chansons.

Ecoutez A chantar m’er de ço qu’eu no volria, (il me faut chanter sur un sujet que je ne voudrais pas, tant je souffre de celui dont je suis l’amie, car moi je l’aime plus que tout au monde ; pour lui ne vaut rien, Grâce ni Courtoisie, ni ma beauté, ni mon mérite, ni mon esprit, car je suis aussi trompée que trahie que je devrais l’être si j’étais sans attrait. Je m’étonne de voir que votre cœur s’endurcit, ami, à mon égard : c’est le motif de ma douleur).


Parmi les grands seigneurs, ou trouve donc Guillaume de Poitiers, duc d'Aquitaine et Rambaud, comte d'Orange.
Parmi les membres de la moyenne ou de la petite noblesse, il y a Bertrand de Born et  Gaucelm Faidit, Chez les clercs, le moine de Montaudon et Folque de Marseille, qui devint évêque de Toulouse.
Chez les bourgeois enrichis dans le commerce, nous avons Peire Vidal ou Aimeric de Peguilhan.
Chez les roturiers de pauvre origine, il y a Marcabrun et Bernard de Ventadour, et parmi les jongleurs ou les musiciens ambulants, citons Cercamon  et  Pistoleta.

Leur idée novatrice est de remplacer la fidélité au seigneur, par la fidélité à la Domna (la Dame), la femme idéalisée et rêvée. Cela changera la Civilisation Européenne profondément et décisivement.
Mais pour en être leur idée maîtresse, elle était loin d'être la seule.

L'œuvre des Troubadours regroupe une douzaine de genres qui vont des Cançons, c’est-à-dire les chansons, précurseurs des chansons modernes, aux sirventès, sorte de chansons engagées. De fait, leurs poésies concernent des domaines sociaux et personnels divers, et vont de l'Amour à la Politique.

Pour comprendre, il faut savoir que les troubadours apparaissent juste après la fin des invasions barbares, au moment où la triste vie des châteaux forts demande à être améliorée par des distractions nouvelles. Les Troubadours vont donner le ton à la vie des cours du Moyen Age en créant le Biais de Viure, le style de vie raffiné des cours seigneuriales.
Ils amenèrent au Monde profane des valeurs lyriques, qui serviront de modèle à l'Europe entière. Et comme ils changeaient souvent de cour, le rayonnement de toute leur œuvre, se répandit à travers l'Europe.
Jòia, Jovent e Amor , joie, jeunesse, et amour, voilà les mots principaux des maîtres européens de la poésie lyrique, qui donnèrent à la Langue Occitane, ses Lettres de Noblesse.

Ecoutez Tant ai mon cor ple de joia tot me desnatura, (j’ai mon cœur si plein de joie que tout se dénature pour moi), de Bernart Ventadon.



Bernart de Ventadorn, vers 1147-1170, est l'un des plus célèbres troubadours. Il était le fils d'une servante et d'un domestique du château de Ventadour. Il fut instruit à l'art poétique par son seigneur, Ebles II le "chanteur", et suivit Aliénor d'Aquitaine à la cour d'Henri II en Angleterre.

Les sources qui nous sont parvenues sont somme toute assez sporadiques. On se pose encore beaucoup de questions. Environ 2500 poèmes, anonymes ou attribués, nous sont parvenus, pour environ 350 troubadours répertoriés. Ces poèmes ont en général été conservés dans des recueils manuscrits regroupant les textes de nombreux auteurs qui sont appelés "chansonniers".
Dans ces recueils on trouve également des vidas, des vies souvent très postérieures qui fournissent des éléments biographiques extrêmement lacunaires et sujets à caution.
De plus, l’archaïsme de la notation musicale de l’époque rend assez difficile une retranscription authentique. En fait, les chants de troubadours sont des chants monodiques aux nombreux mélismes. Le mouvement intérieur de la mélodie est très lié à l'élan du texte. Le chanteur doit donc avoir une bonne compréhension de ce texte pour lui donner toute sa force.
Mais faut-il "mesurer" cette musique ? Doit-on préserver les longs mélismes sans marquer le rythme, ou au contraire trouver un rythme bien scandé? Dans quelle mesure peut-on utiliser des instruments ?  Ces poèmes peuvent être simplement déclamés, ou chantés a capella ?
Pourtant l'iconographie nous présente des troubadours utilisant une harpe ou une vièle et certains textes le confirment.
Et quel rôle donner à ces instruments?  Sans doute déjà les limiter à une formation réduite. Et penser que le texte est primordial : donc leur confier avant tout un rôle de soutien à la mélodie.
Avec si peu de données au départ, les réalisations sonores, aujourd’hui sont très aléatoires selon les interprètes.

D’ailleurs, nous vous proposons de comparer une même œuvre, Quantas sabedes amar amigo de Martin Codax, interprété d’abord par Brigitte Lesne puis par l’Ensemble Karmina.

Ecoutez Quantas sabedes amar amigo par Brigitte Lesne :



Ecoutez Quantas sabedes amar amigo par l'Ensemble Karmina :



On constate qu’une grande liberté est laissée à l’interprète.

Le fin amor en langue d’oc, ou l’amour courtois joue un rôle prépondérant. C'est au XIIe siècle que naquit l'amour courtois, genre littéraire dont l'invention est attribuée à Guillaume IX de Poitiers, dit le Troubadour (1071-1127).

Le principe est simple, puisque le troubadour se met au service de sa dame car il espère toujours la conquérir. C'est là une grande nouveauté car jusqu'alors, les femmes de l'aristocratie étaient cantonnées à un rôle de mère et d'épouse.
Désormais, on chante la femme non plus en fonction de son rôle social mais en fonction de sa personnalité.

Mais les discordances entre l’amour courtois et les principes de l’Église étaient loin de contribuer à une entente cordiale. Déjà, Guillaume IX, qui avait défini à lui seul ce qui restera pendant deux siècles le style des troubadours, avait été excommunié deux fois pour sa vie quelque peu … dissolue!

Et cela est simple à comprendre, puisque, d’une part les mariages, essentiellement dans la noblesse, étaient rarement des mariages d’amour, l’amour courtois se tourne naturellement vers l’amour adultère. Et d’autre part, condamnée à se pâmer jour et nuit pour son bien-aimé, la femme devenait objet de désir, et même si le rapport charnel restait souvent le but final, il n’était que sous-entendu et précédé de tendres préliminaires.

Bref, la femme devenait objet d’amour comparable à celui que tout homme se devait de vouer à Dieu.

Ecoutez En amor trob alques en qu’em refraing, (je trouve dans l’amour quelque peu de soulagement, car du moins, en fait d’amour, ne me manque ni mal ni bien), de Almeric de Peguilhan (1175-1230)



L'amour courtois se développa jusqu’à répondre à des règles très précises, finalement codifiées par plusieurs arrêts pris à la cour par la reine Aliénor d’Aquitaine, petite-fille de Guillaume IX.

Enfin, l'amour courtois use de plusieurs genres :
la chanson (la plus courante) : cinq ou six couplets bâtis sur les mêmes rimes ;
l'aube décrit avec brièveté le réveil des deux amants par le cri d'un guetteur ;
la sérénade, dépeint les lamentations du chevalier amoureux ; 
le jeu parti et la tenson permettent à plusieurs troubadours de débattre des questions d'amour ;
la pastourelle dépeint l'amour pour une bergère ;
Mais on trouve également d’autres genres et d’autres inspirations, comme la ballade qui est destinée à être dansée, les sirventés qui sont des satires plus politiques et morales, et le planh qui est un chant de deuil.

Ecoutez Fortz chausa est, (c’est une chose terrible que le plus grand malheur et le plus grand deuil, las ! le puissant et valeureux Richard, roi des Anglais, est mort), un planh de Gaucelm Faidit, fidèle serviteur du roi Richard cœur de Lion !




Mais ces thèmes liés au Culte de la Dame", ne les trouve-t-on pas dans le monde arabo-andalou ?

C’est justement là le chapitre le plus étonnant. Mais plongeons-nous dans l’ambiance sépharade, c’est-à-dire de la péninsule ibérique, avec cet exemple anonyme d’un chant de salut, Ir me quieria yo :



Le fin amor n’a rien de gaulois, mais nous vient directement des cours arabes ! Observons d’abord les coïncidences.
L’amour courtois dans la poésie arabe des poètes classique ou populaire , n’est pas considéré
différemment par la poésie des troubadours ; de part et d’autre de la Méditerranée, l’amoureux est en
butte aux mêmes transes, aux mêmes affronts, aux mêmes déceptions.
Dans les chansons de Guillaume IX et de Marcabru, il est à tout instant question, par exemple, du gardador, c’est-à-dire du gardien de la femme, au service du mari ou du rival.

Il en va de même dans la poésie hispano-arabe où se meut un personnage identique, le raqib, qui n’est d’ailleurs pas une invention du Moyen Age puisque déjà Plaute et Ovide, dans la littérature latine, font maintes allusions à celui qu’ils appellent l’odiosus custos puellae ou le vigil custos.
Tout porte à croire que les troubadours ont emprunté ce personnage à la poésie populaire hispano-arabe.
D’ailleurs, il n’y a pas que le gardador qui vienne, dans l’une ou l’autre poésie, troubler la quiétude des amants. Autour d’eux, on en voit graviter une série d’autres fâcheux personnages : chez les troubadours les lauzengiers ou calomniateurs, qui cherchent à éloigner l’un de l’autre ceux qui s’aiment ; les envieux ou enojos, le gilos ou mari jaloux.
Des termes équivalents se retrouvent dans la poésie arabe : le nammam ou diffamateur, le hasid ou envieux, le adil ou censeur moraliste.
L’une des conditions du succès de l’amant, dans la théorie de l’amour courtois, en Espagne musulmane comme en France méridionale, est, par ailleurs, son obéissance stricte à la femme aimée.
Il y a là une sorte de “service amoureux” exactement décrit de la même façon dans l’une et l’autre poésie.
Une sentence arabe reproduite dans la Disciplina clercalis dit qui amat obedit, la soumission à l’être aimé.

On retrouve la même chose chez Guillaume IX qui, pour désigner l’amoureux, emploie le terme obedien et appelle obediensa le comportement de celui-ci vis-à-vis de l’objet de sa passion.

Autre détail curieux : quand, dans la poésie arabe, l’amant s’adresse à sa maîtresse, en général il l’appelle monseigneur, mon maître, saiyidi, mawlaya, au masculin, et non au féminin sayyidati ou mawlati.
Or, les troubadours usent du même procédé : midons et non madonna.

Ecoutez de Peire Raimon de Tolosa, 1217-1253, Pensamen ai e consir d’una chanso faire, (j’ai l’intention et le souci de faire une chanson qui doive plaire à celle dont je suis l’amant parfait).



Le plus ancien des troubadours français, Guillaume IX d’Aquitaine, n’était pas le jongleur errant sous les traits duquel on se plaît à représenter les autres troubadours, poètes ambulants en quête d’un mécène et prêts, comme leurs congénères musulmans, à entonner, pour quelques pièces d’argent, un vêtement ou même un bon repas, la louange de leur hôte d’un jour.
Non, Guillaume IX, seigneur de haut lignage, prince d’un Etat vaste, riche et prospère, était sans doute celui qui est le premier responsable de l’emprunt des formes et des thèmes de la poésie lyrique hispano-arabe.

Peut-être connaissait-il la langue l’Arabe. On a découvert dans l’un de ses textes un dialecte hispano-arabe ! D’autant que Guillaume IX savait ce qu’étaient les terres d’islam. Nous savons notamment qu’en 1101-1102 il participa à la croisade d’Orient et fit en Syrie un séjour de quelque durée. Est-ce là qu’il se familiarisa avec l’arabe, qu’il en apprit au moins quelques rudiments ?

Nous savons aussi que Guillaume IX, au cours de sa vie, alla jusqu’en Aragon pour porter aide au roi Alphonse le Batailleur, au moment de la bataille de Cutanda, en 1120. Mais, ce qui ne fait pas de doute, c’est qu’à partir des dernières années du XIe siècle, un courant de relations directes et des contacts assez étroits s’établiront entre la France et l’Espagne chrétienne.

Quand la Reconquête espagnole commença à porter ses premiers fruits, par la prise de Tolède dans l’année 1085, par le roi de Léon et de Castille, Alphonse VI, ce prince attira dans sa nouvelle capitale un assez grand nombre de religieux français. C’est à ce moment qu’il prit pour épouse la reine Constance, une propre sœur de Guillaume IX, et veuve d’un duc de Bourgogne. Cluny fournit alors à l’Espagne d’Alphonse VI une grande partie de ses cadres ecclésiastiques et ce fut alors, entre Tolède et la Bourgogne par Toulouse et Poitiers, un incessant va-et-vient de missions de clercs et aussi de caravanes de marchands.
Or Tolède était à cette époque une ville de la plus pure tradition hispano-arabe, et ses rapports permanents avec Toulouse et les abbayes clunisiennes de Bourgogne et d’ailleurs donnent sans doute la clef du mystère de cet emprunt artistique.
Guillaume IX lui-même épousera une Espagnole, la fille du roi d’Aragon, Ramiro le Moine. Et n’oublions pas non plus que dès cette époque lointaine, pour beaucoup de chrétiens d’outre-Pyrénées, le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle était aussi recherché que le pèlerinage à Rome.

Ecoutez Noches, noches, buenas noches, une chanson espagnol anonyme du XIIè  siècle :




Il faut dire aussi un mot de la croisade de Barbastro qui eut un retentissement considérable en chrétienté et en islam, et qui précédera de plusieurs années, en terre espagnole, les premières croisades dirigées vers l’Orient. Une armée, composée de Normands et de seigneurs français, traversa les Pyrénées, dans l’année
1064, et vint de vive force enlever la place musulmane de Barbastro, sur la frontière du royaume d’Aragon.
L’un des chefs principaux de l’expédition était le duc d’Aquitaine Guillaume VIII, précisément le père du troubadour Guillaume IX.
L’armée franco-normande ramena de Barbastro un nombre très élevé de captifs, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers, hommes et femmes.
Alors, même si toutes ses explications n’ont pas de preuves réelles, il est admis aujourd’hui que l’Espagne musulmane a représenté pour l’Europe méditerranéenne un foyer de civilisation raffinée, de vie luxueuse et policée, une sorte de conservatoire des belles manières et du bon ton.


Le vocabulaire employé à l’égard de la musique des troubadours est très différent de celui que l’on utilise pour les musiques plus récentes.
Nous allons tenter d’en expliquer quelques termes, notamment les plus fréquents.

Qu’est-ce qu’une canso, en terme occitan ?
Au Moyen Âge, en langue d’Oc, la canso ou canson est le poème lyrique de prédilection du troubadour, le genre où il offre ou prétend offrir la quintessence de son art.
Cette chanson d’amour est accompagnée d’une mélodie spécialement créée pour elle; elle est formée de cinq ou six strophes (des coblas) de structures identiques et d’un envoi (la tornada) qui correspond à la dernière cobla. C’est dans cette strophe plus courte que le poète désigne la destinataire du poème.

Qu’est-ce qu’un chansonnier ?
Un chansonnier est un recueil de chansons, un recueil de compositions poétiques accompagnées ou non de notation musicale. Par opposition à la transmission orale, le chansonnier vise à la conservation des textes par l’écriture. Il existe cependant un décalage important entre la période qui a vu naître les poésies et les recueils qui nous les ont fait connaître.
Les médiateurs médiévaux sont nommés jongleurs, troubadours, trouvères ou encore ménestrels bien qu’à cette époque on ne les nomme pas par le substantif chansonnier.
C’est donc le recueil de chansons qui constitue pour le Moyen Âge ce que nous appelons un chansonnier. Quelques cinquante chansonniers des XIIIe, XIVe et XVe siècles contenant des poésies de langue occitane ou française nous sont parvenus, contenant, variantes comprises, 4350 mélodies relatives à 1700 chansons regroupant 450 et 200 trouvères.

Qu’est-ce qu’un neume ?
Il s'agit d'un ensemble de signes, généralement notés au-dessus du texte, et permettant au chantre de « retrouver » une mélodie primitivement mémorisée « d'oreille », mais sans indications précises des intervalles ou de la hauteur des notes.
Cette première notation musicale n'inclut pas d'indication rythmique, du moins de manière relative dans un groupe de neumes. Elle n'indique pas non plus de "tempo" régulier et constant tout au long d'une pièce.
La forme graphique des neumes provient des marques d’accents utilisés par les grammairiens. Ils héritent ainsi d’une tradition qui —dans son principe— remonte jusqu’à la Grèce antique. Cependant, il semble que la notation cursive des neumes est une création propre des grammairiens latins. Les plus anciennes notations par neumes apparaissent vers l'an 850.

Et un mélisme ?
Le mélisme est un groupe de notes brèves placé sur une syllabe pour enrichir la mélodie,  plus court qu'une vocalise cependant.