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Scène des bougies

C’est le temps du Shabbat, le temps du repos pour la communauté juive. A cette occasion, on allume les bougies, et le chef de famille entonne le chant sacré, en hébreu.

A ce moment-là, le son est in. Dès que l’on ne voit plus la source sonore, le son devient in hors-champ, ou plus simplement, hors-champ.

En-dehors du son, remarquons que la scène donne quelques éléments sur sa position dans le temps. En effet, dans la pièce où se trouvent les personnages, il n’y a aucun signe d’appartenance à notre époque (micro-ondes, réfrigérateur, télévision). En revanche, les meubles nous indiqueraient la première moitié du XXè siècle. Vraisemblablement, avant la deuxième Guerre Mondiale.

De plus, observez comment disparaît la couleur, petit à petit. Au départ, la pièce est ensoleillée, puis à la fin de la scène, il ne reste qu’un fond noir, une nappe blanche, des bougeoirs gris ; seule la flamme est en couleur. Tout est fait pour un passage progressif de la couleur vers le noir et blanc. Et c’est la fumée qui opère cette jonction, tant sonore que visuelle.

La fumée grise de la bougie devient la fumée grise de la locomotive. Et le bruit de la locomotive se fait entendre sur la fumée de la bougie ; il s’agit d’une anticipation qui permet encore une fois de lier les deux scènes.

Qu’apporte l’extinction de la couleur ?

 

Scène de la radio

Deux scènes (fin de la scène de la gare – scène d’habillage)

La musique sur le quai de la gare est une musique de fosse (extra-diégétique). Elle commence déjà à la gare ; elle fait une anticipation avec la scène de l’Allemand qui s’habille. Dans la scène de l’Allemand, la musique est tantôt in, tantôt hors-champ, puisque l’on voit par moment, le poste de radio, origine de la source sonore.
Nous avons ainsi un passage extra-diégétique/diégétique. En effet, à la fin de la scène de la gare, commence une valse extra-diégétique (violon-piano-accordéon, dont le style est la musique de salon), qui devient diégétique dans la scène suivante, puisqu’elle sort d'un poste de radio.
Ce glissement met ici en évidence une variation de la qualité du son. La valse extra-diégétique (donc rajoutée au montage, de qualité cd) montre une grande qualité sonore, alors que la musique diégétique sortant le la radio présente un son mono de mauvaise qualité (qualité téléphone).

Notez dans ce cas la petite erreur commise au montage. La bande son (la valse) démarre deux fois, à l’intervalle d’une seconde !!! Ecoutez bien…

L'inconnu

Musique in/hors-champ
Musique de salon

L'orchestre joue un tube ! Il s'agit de Por una cabeza, une chanson de Carlos Gardel (le violon remplace le chant).
C'est un tango, et ce genre sied particulièrement aux endroits distingués où se mêlent femmes et sensualité. Mais ce n'est pas tout.

Carlos Gardel (1890-1935) fut une star internationale du tango. Ses chansons sont connues à travers le monde. C'est lui qui a exporté ce nouveau genre, car, à l'origine, le tango était argentin.

Mais Hitler ne prôna-t-il pas la musique nationale en interdisant les autres ?
La réponse ne se trouverait-elle pas dans le lien particulier entre l'Argentine et l'Allemagne ? L'Argentine était également un pays interdit aux Juifs ! De plus, à l'issu de la guerre, elle offre une terre de repos aux criminels de guerre.

En réalité, la présence d'Allemands en Argentine remonte au XIXè siècle. Dès 1870, de nombreux Allemands vinrent s'installer dans les terres vides d'Argentine. Beaucoup encore vinrent à la suite de la défaite de 1918, les conditions de vie sous la République de Weimar étant infernales. Donc beaucoup d'Allemands avaient un oncle, un cousin ou un frère qui avait pris racines en Argentine. En 1945 ce fut donc l'exode, pas seulement des SS, mais de beaucoup de personnes à peine compromises dans le régime nazi qui espéraient une meilleure vie qu'en RDA.

Au restaurant

Musique in ou hors-champ.

En opposition au tango précédent (symbole de raffinement et de sensualité), les chansons et musiques populaires sont très appréciées par les Allemands. Femmes, alcool, bouffe. Les images sont ici en parfaite adéquation avec la musique. Mais que veut montrer Spielberg ?

Le contraste entre raffinement et débauche, l’esprit joyeux et gai des Allemands, ou fêtent-ils déjà leur victoire ?

Les secrétaires

Musique de fosse. Il s’agit d’une musique illustrative puisée dans le répertoire classique.

Les secrétaires défilent au rythme de la musique.

Au début, le piano accompagne avec un balancement régulier de croches, et au fur et à mesure que Schindler se rapproche des secrétaires, le violon évolue vers les aigus. Un fort sentiment de séduction et d’attraction se dégage alors de la scène. Le piano interrompt son balancement pour laisser place à un suspense, et le violon dégringole vers les graves avec la dernière secrétaire bien moins belle que les autres.

Nous avons-là un rare exemple comique du film. C’est sans doute par ce biais que Spielberg veut montrer l’importance des femmes dans la vie de Schindler.

La musique rajoutée au montage, la Capricieuse opus 17 d’Edward Elgar, pour violon et piano, a été arrangée par Jascha Heifetz pour « coller » avec l’action. Dès que la première secrétaire frappe la première touche, la musique démarre, le retrait du tambour de la machine correspond au début de la deuxième phrase mélodique et le violon dégringole avec la dernière secrétaire, la plus efficace, mais hélas pour Schindler, la moins féminine.

A la fin, Schindler les emploie toutes dans son entreprise. Toutes ? On ne voit pourtant pas la dernière sur la photo !

La scène suivante est liée à celle-ci (anticipation) par un morceau de piano. Spielberg a poussé le réalisme jusqu’à enregistrer un vieux piano qui sonne faux. Rien à voir avec un enregistrement du commerce, type cd qu’il aurait pu rajouter au montage final.

Musique in.

 

Au restaurant avec Emilie Schindler

    La scène est complexe et divisée en plusieurs parties.

  1. La musique commence dans la rue : anticipation.
    Nous avons à nouveau de la musique de salon (in/hors-champ, sauf au début, puisque dans la rue, elle est off)


  2. Un tête-à-tête entre les deux époux. Musique hors-champ. C’est le même orchestre
    qui joue (violon, accordéon, piano, contrebasse, batterie).
    Une musique douce (slow) nous plonge dans une ambiance très romantique, comme il se devrait pour deux êtres qui s’aiment. Emilie est très amoureuse de son mari : elle ne le quitte quasiment pas des yeux, avec un air tendre et un regard très doux.
    Oskar, son mari, lui parle de lui, de sa réussite, de son argent. A-t-il un mot tendre pour son épouse ? Pourtant, la musique est là pour soutenir des mots d’amour. Et que répond Schindler ? « La guerre ».
    L’opposition est totale.
    Dans cette scène, la musique met largement en relief les sentiments opposés d’Emilie et d’Oskar Schindler. Amour (soutenu par la musique), guerre (mise en exergue par la musique).

  3. L’orchestre joue une valse. Le couple danse. Elle, absorbée par la tendresse qu’elle porte à son mari. Lui, le regard imperturbable vers une autre femme.

  4. Au lit, Emilie dort. Oskar pense. A quoi ? A qui ? C’est la musique qui nous le dit. En effet, la valse du restaurant continue en musique de fosse, cette fois. Or c’est justement lors de cette valse qu’Oskar observait une femme inconnue. Ici, donc, la musique trahit la pensée d’un personnage, presque comme une voix intérieure.

  5. Emilie demande à Oskar Schindler de rester fidèle. Que répond-il ? Rien. Encore une fois, c’est la musique qui répond, avec cette même valse, pour nous faire comprendre que ce dernier est bien décider à profiter d’une vie libertine.

Les valises

Musique de fosse.

Dévaliser les Juifs, vider à leur insu leurs bagages, c’est une chose. Mais les dents en or, de quel bagage proviennent-elles ? La personne juive chargée de trier l’or et les bijoux a compris quel était le destin des gens qui prenaient le train.

Un orchestre à cordes accompagne un chœur, sans parole. Les femmes commencent, puis les hommes viennent les soutenir, puis la flûte prend le relais. C’est la première fois que l’on entend chanter des femmes.
Ce n’est pas sans rappeler le Requiem de Mozart, dans le « Confutatis ». En effet, chez Mozart, les hommes (sons graves) rappellent les enfers, et les femmes (sons aigus), rappellent le paradis. Dans les deux œuvres, on veut peindre la mort. Mais pourquoi le paradis pour les femmes et l’enfer pour les hommes ?
Il faut faire appel à d’autres notions.

Dans l’imaginaire chrétien, le paradis est en-haut, et l’enfer en-bas. Or en sciences physiques, un sons aigu est constitué de hautes fréquences, tandis qu’un son grave est fait de basse fréquences.

Mais surtout l’oreille humaine perçoit les sons graves vers le bas, comme s’ils étaient soumis à la pesanteur, et les sons aigus vers le hauts, comme s’ils flottaient dans l’espace. Et géographiquement, cela se retrouve dans l’oreille interne, puisque le son imprime des oscillations à la membrane basilaire de façon sélective : les sons les plus aigus sont captés tout à l’avant, tandis que les sons graves pénètrent jusqu’au fond du limaçon.

Les fabriquants de baffle connaissent bien ce « défaut » de perception, et certains n’hésitent pas à fixer sur leurs enceintes les Tweeter sous les Woofer, pour rééquilibrer la perception générale.

La petite fille en rouge

Musique de fosse.

Ce qui frappe avant la musique, c’est la couleur qui apparaît au milieu d’un tableau noir et blanc. De plus, la couleur est rouge et c’est le manteau d’une petite fille que seul Schindler aperçoit. Tout autour d’elle, ce n’est que massacre et cadavres.

La petite fille est de surcroît blonde (les têtes blondes, selon l’expression) et bouclée (Boucle d’Or, selon le conte). La musique qui l’accompagne est un chant d’enfants juifs (paroles en Yiddish) accompagné par le piano (voir ci-après).
Il y a donc là un contraste entre deux éléments. Le premier représente les pires sentiments dont l’homme est capable, cette tuerie, tout ces gens qui meurent sans aucune raison. L’autre, en couleur, appelle l’innocence, la pureté, peut-être l’espoir.
Chacun des deux éléments renforce l’autre. C’est là la force de certains réalisateurs. Pour accenteur une scène et son contenu, ils juxtaposent des éléments contraires.

Ce même procédé se retrouve dans les opéras. Don José tue Carmen sous les acclamations des spectateurs face au triomphe du Toréador.

Cette petite fille accompagnée par la musique symbolise l’enfance, l’innocence, l’école et la famille. Bref, la Non-guerre. Quoi de plus innocent, de plus inoffensif, de plus doux qu’un chant d’école primaire ? De plus, elle est colorée.
Spielberg veut faire passer un message.
La petite fille survivra-t-elle, et avec elle l’espoir de la vie ? La réponse se verra plusieurs scènes après. C’est sans doute le message important du film, le message à garder en mémoire pour les générations à venir.

Observez sur les images que seul Schindler la voit évoluer. Il la reverra d’ailleurs plus tard.
Et si l’espoir dont nous parlons passait pas Schindler et sa liste ?

Le chant en question

Il s’agit de Oyf’n Pripetshik, un chant d’origine russe ou slave. Le texte et la musique sont de Mark Warshavsky.
Voici la traduction de ce texte écrit en Yiddish :

Sur la terre

Sur la terre, un petit feu brûle.
La pièce est chaude.
Et le rabbin enseigne l’alphabet aux élèves.
Chers petits, ce que vous apprenez ici,
Répétez-le encore et encore :
Kamatz Alef se prononce « o »

Voici les paroles originales, chantées et accompagnées par un piano dans le film :

Oyfn pripetshik brent a fayerl
un in shtub iz heys
un der rebbe lernt kleyne kinderlach dem alef beys
un der rebbe lernt kleyne kinderlach dem alef beys
zet zhe kinderlach gedenkt zhe tayere vos ihr lernt do
zogt zhe noch amol un takeh noch amol:
komets alef oh.


Le pianiste

Musique in/hors-champ

Un soldat allemand joue le Prélude de la Deuxième Suite Anglaise, BWV 807, de Jean-Sébastien Bach.

L’intérêt ici, n’est pas d’accompagner l’agitation de la tuerie, comme on peut le lire dans certaines analyses ou critiques. Pauvre Jean-Sébastien Bach !

Au contraire, le message est plus subtil et sciemment employé pour montrer au spectateur l’état d’esprit du soldat allemand. Ce dernier a été si fortement endoctriné et conditionné que pour lui, tuer des juifs est un travail comme un autre. Aucun dégoût, aucun remord, aucune souffrance, parfois même un sourire aux enfants, en passant. Tout cela est pour lui  parfaitement normal.

Et pour accentuer ce phénomène, Spielberg met donc en scène un tueur au piano. Or, pour interpréter une œuvre musicale, il faut un minimum de sentiment, d’expressivité ; et justement, ce qui se passe autour du pianiste, n’affecte en rien son jeu. Qui de nous serait capable d’une telle performance une arme à la main ?

De plus, le débat autour de Mozart et de Bach révèle le degré de culture générale des soldats allemands. D’ailleurs, en temps de guerre, se sont rarement les gens de science et de culture qui se retrouvent sur les premières lignes à exécuter ce genre de tâches.

Cette scène est une traduction cinématographique du résultat de la propagande hitlérienne.

TRAVAIL DE SONORISATION

A l'aide du logiciel Magix Vidéo de Luxe, les élèves élaborerons une bande-son pour sonoriser l'extrait suivant :

Fête d'anniversaire (cliquez pour voir la vidéo sans son)