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C’est
le temps du Shabbat, le temps du repos pour la communauté juive. A cette
occasion, on allume les bougies, et le chef de famille entonne le chant
sacré, en hébreu.
A
ce moment-là, le son est in. Dès que l’on ne voit plus la source sonore, le son devient
in hors-champ,
ou plus simplement, hors-champ. En-dehors
du son, remarquons que la scène donne quelques éléments sur sa position
dans le temps. En effet, dans la pièce où se trouvent les personnages,
il n’y a aucun signe d’appartenance à notre époque (micro-ondes, réfrigérateur,
télévision). En revanche, les meubles nous indiqueraient la première moitié
du XXè siècle. Vraisemblablement, avant la deuxième Guerre Mondiale. De
plus, observez comment disparaît la couleur, petit à petit. Au départ,
la pièce est ensoleillée, puis à la fin de la scène, il ne reste qu’un
fond noir, une nappe blanche, des bougeoirs gris ; seule la flamme
est en couleur. Tout est fait pour un passage progressif de la couleur
vers le noir et blanc. Et c’est la fumée qui opère cette jonction, tant
sonore que visuelle. La
fumée grise de la bougie devient la fumée grise de la locomotive. Et le
bruit de la locomotive se fait entendre sur la fumée de la bougie ;
il s’agit d’une anticipation
qui permet encore une fois de lier les deux scènes. Qu’apporte
l’extinction de la couleur ? |
Deux scènes (fin de la scène de la gare – scène
d’habillage) La musique sur
le quai de la gare est une musique de fosse (extra-diégétique).
Elle commence déjà à la gare ; elle fait une anticipation avec la scène
de l’Allemand qui s’habille. Dans la scène de l’Allemand, la musique est
tantôt in, tantôt hors-champ, puisque l’on voit par moment,
le poste de radio, origine de la source sonore. Notez dans ce cas la petite erreur
commise au montage. La bande son (la valse) démarre deux fois, à l’intervalle
d’une seconde !!! Ecoutez bien… |
Musique in/hors-champ L'orchestre joue un tube ! Il s'agit de Por una cabeza, une
chanson de Carlos Gardel (le violon remplace le chant). Carlos Gardel (1890-1935) fut une star internationale du tango. Ses chansons sont connues à travers le monde. C'est lui qui a exporté ce nouveau genre, car, à l'origine, le tango était argentin. Mais Hitler ne prôna-t-il pas la musique nationale en interdisant
les autres ? En réalité, la présence d'Allemands en Argentine remonte au XIXè siècle. Dès 1870, de nombreux Allemands vinrent s'installer dans les terres vides d'Argentine. Beaucoup encore vinrent à la suite de la défaite de 1918, les conditions de vie sous la République de Weimar étant infernales. Donc beaucoup d'Allemands avaient un oncle, un cousin ou un frère qui avait pris racines en Argentine. En 1945 ce fut donc l'exode, pas seulement des SS, mais de beaucoup de personnes à peine compromises dans le régime nazi qui espéraient une meilleure vie qu'en RDA. |
Musique in
ou hors-champ. En opposition
au tango précédent (symbole de raffinement et de sensualité), les chansons
et musiques populaires sont très appréciées par les Allemands. Femmes,
alcool, bouffe. Les images sont ici en parfaite adéquation avec la musique.
Mais que veut montrer Spielberg ? Le contraste entre raffinement
et débauche, l’esprit joyeux et gai des Allemands, ou fêtent-ils déjà
leur victoire ? |
Musique de fosse.
Il s’agit d’une musique illustrative
puisée dans le répertoire classique.
Les secrétaires
défilent au rythme de la musique. Au début,
le piano accompagne avec un balancement régulier de croches, et au fur
et à mesure que Schindler se rapproche des secrétaires, le violon évolue
vers les aigus. Un fort sentiment de séduction et d’attraction se dégage
alors de la scène. Le piano interrompt son balancement pour laisser
place à un suspense, et le violon dégringole vers les graves avec la
dernière secrétaire bien moins belle que les autres. Nous
avons-là un rare exemple comique du film. C’est sans doute par ce biais
que Spielberg veut montrer l’importance des femmes dans la vie de Schindler.
La musique
rajoutée au montage, la Capricieuse
opus 17 d’Edward Elgar, pour violon et piano, a été arrangée par Jascha
Heifetz pour « coller » avec l’action. Dès que la première
secrétaire frappe la première touche, la musique démarre, le retrait
du tambour de la machine correspond au début de la deuxième phrase mélodique
et le violon dégringole avec la dernière secrétaire, la plus efficace,
mais hélas pour Schindler, la moins féminine.
A la
fin, Schindler les emploie toutes dans son entreprise. Toutes ?
On ne voit pourtant pas la dernière sur la photo ! La scène suivante est liée à celle-ci (anticipation) par un morceau
de piano. Spielberg a poussé le réalisme jusqu’à enregistrer un vieux
piano qui sonne faux. Rien à voir avec un enregistrement du commerce,
type cd qu’il aurait pu rajouter au montage final. Musique in. |
La scène est complexe et divisée en plusieurs parties. |
Musique de fosse. Dévaliser les Juifs,
vider à leur insu leurs bagages, c’est une chose. Mais les dents en or,
de quel bagage proviennent-elles ? La personne juive chargée de trier
l’or et les bijoux a compris quel était le destin des gens qui prenaient
le train. Un orchestre à cordes
accompagne un chœur, sans parole. Les femmes commencent, puis les hommes
viennent les soutenir, puis la flûte prend le relais. C’est la première
fois que l’on entend chanter des femmes. Dans l’imaginaire chrétien,
le paradis est en-haut, et l’enfer en-bas. Or en sciences physiques, un
sons aigu est constitué de hautes fréquences, tandis qu’un son grave est
fait de basse fréquences. Mais surtout l’oreille humaine perçoit les sons graves
vers le bas, comme s’ils étaient soumis à la pesanteur, et les sons aigus
vers le hauts, comme s’ils flottaient dans l’espace. Et géographiquement,
cela se retrouve dans l’oreille interne, puisque le son imprime des oscillations
à la membrane basilaire de façon sélective : les sons les plus aigus sont
captés tout à l’avant, tandis que les sons graves pénètrent jusqu’au fond
du limaçon. Les fabriquants de baffle connaissent bien ce « défaut »
de perception, et certains n’hésitent pas à fixer sur leurs enceintes
les Tweeter sous les Woofer, pour rééquilibrer la perception générale. |
Musique de fosse. Ce qui frappe avant la
musique, c’est la couleur qui apparaît au milieu d’un
tableau noir et blanc. De plus, la couleur est rouge et c’est le
manteau d’une petite fille que seul Schindler aperçoit. Tout
autour d’elle, ce n’est que massacre et cadavres. Cette petite fille accompagnée par la musique symbolise l’enfance,
l’innocence, l’école et la famille. Bref, la Non-guerre.
Quoi de plus innocent, de plus inoffensif, de plus doux qu’un chant
d’école primaire ? De plus, elle est colorée. Le chant en question Il s’agit de Oyf’n Pripetshik,
un chant d’origine russe ou slave. Le texte et la musique sont de
Mark Warshavsky. Sur la terre Sur la terre, un petit feu brûle. Voici les paroles originales, chantées et accompagnées par un piano dans le film : Oyfn pripetshik brent a fayerl |
Musique
in/hors-champ Un soldat allemand joue le Prélude de la Deuxième Suite Anglaise, BWV 807, de Jean-Sébastien Bach. L’intérêt ici, n’est pas d’accompagner l’agitation de la tuerie, comme on peut le lire dans certaines analyses ou critiques. Pauvre Jean-Sébastien Bach ! Au contraire, le message est plus subtil et sciemment employé pour montrer au spectateur l’état d’esprit du soldat allemand. Ce dernier a été si fortement endoctriné et conditionné que pour lui, tuer des juifs est un travail comme un autre. Aucun dégoût, aucun remord, aucune souffrance, parfois même un sourire aux enfants, en passant. Tout cela est pour lui parfaitement normal. Et pour accentuer ce phénomène, Spielberg met donc en scène un tueur au piano. Or, pour interpréter une œuvre musicale, il faut un minimum de sentiment, d’expressivité ; et justement, ce qui se passe autour du pianiste, n’affecte en rien son jeu. Qui de nous serait capable d’une telle performance une arme à la main ? De plus, le débat autour de Mozart et de Bach révèle le degré de culture générale des soldats allemands. D’ailleurs, en temps de guerre, se sont rarement les gens de science et de culture qui se retrouvent sur les premières lignes à exécuter ce genre de tâches. Cette scène est une traduction cinématographique du résultat de la propagande hitlérienne. |
A l'aide du logiciel Magix Vidéo de Luxe, les élèves élaborerons une bande-son pour sonoriser l'extrait suivant :